André François
Photo prise le 28 novembre 1978 du graphiste André Farkas, dit André François, posant devant certaines de ses créations.
S'installe à Paris en 1934 où il fréquente l'atelier de CASSANDRE, Maître du graphisme des années 30. Le dessinateur, affichiste et publicitaire est mort lundi [11 Avril 2005 ]à 89 ans. Affichiste, Illustrateur, Peintre et Sculpteur, il a expérimenté toutes les écritures. Jouissant d'une renommée internationale, ses oeuvres sont présentes dans les grands musées. Dans l'édition, il a illustré des ouvrages de Prévert, Jamy, Queneau et Vian. Dans le domaine de la presse, il a réalisé des couvertures pour Télérama, Le Nouvel Observateur, Punch. Depuis 1963, il collabore au New-Yorker. Avec la publication de nombreux livres, il poursuit depuis 20 ans, avec Vincent Pachès, une expérimentation texte-image, particulièrement remarquable. " André François , Traits de génie, Par Elisabeth LEBOVICI Mercredi 13 avril 2005 (Libération - 06:00) "En décembre 2002, un incendie avait éclaté dans l'atelier d'André François, ravageant son contenu : souvenirs, papiers, tableaux ou sculptures. Un an et demi plus tard, de mars à juin 2004, André François exposait au centre Pompidou : sous l'intitulé "L'épreuve du feu" étaient présentées soixante preuves de vitalité, oeuvres bricolées avec des coulures de plomb, sans esprit de lourdeur (Léger-léger est le titre de l'une d'elles, beaucoup montrent des oiseaux en vol, sa phobie), produites par un artiste de 88 ans. " "Né en 1915 à Temesvar (alors dans l'Empire austro-hongrois, aujourd'hui Timisoara en Roumanie), André Farkas suit des études artistiques à Budapest avant de se rendre à Paris en 1934, dans l'atelier de Cassandre, parangon de l'affiche moderne. Il a 19 ans. En 1939, il adopte la nationalité française et le nom de François. Il a commencé à publier des dessins dans des revues humoristiques. Après la guerre, installé avec sa famille à Grisy-les-Plâtres (Val-d'Oise), il reprend son activité de dessinateur pour les journaux (ce seront, bien plus tard, le Nouvel Observateur et le Monde), collabore à des revues d'humour anglaises (Punch) et entretient, à partir de 1948, une amitié avec l'éditeur Robert Delpire, qui se concrétise dans les Larmes de crocodile, son premier livre pour enfants, au succès planétaire. Ses activités publicitaires démarrent également avec une première affiche pour Citroën. Sa marque de fabrique : ne pas montrer l'objet, mais se laisser aller à des associations oniriques de mots ou d'images. Ses couvertures pour le New Yorker, ses affiches, recueils et livres lui valent une réputation internationale et une exposition au Louvre en 1970, puis au Palais de Tokyo en 1986. "André est un champion toutes catégories du graphisme et un jongleur artistique de génie", complimentait le dessinateur Ronald Searle, qui associait les trois "Romaniacs" de l'humour : Ionesco, Saul Steinberg et François. A partir de 1960, André François décidait de se consacrer plus à l'art, associant, juxtaposant, superposant les matières picturales et les objets trouvés. Il signalait à Sarah Moon, dans un film tourné peu avant l'incendie : "C'est le plaisir de faire, de tripoter les matériaux, les choses naissent en se faisant." Ce faire s'est tu : André François est mort lundi, à 89 ans." ******************************************************************* Un livre dédié à André François et à son œuvre : FOU DE VOUS André FRANCOIS Editions alternative "Pendant une décennie, André François a librement dessiné autour des questions de santé mentale, d'exclusion, d'intégration sociale pour la revue V.S.T. (vie sociale et traitement) Cette revue fondée par Germaine Le Guillant-Henaff en 1954 et par G. Daumézon a accompagné le travail des équipes de santé mentale. André François a réalisé près d'une centaine d'illustrations originales pour cette revue mais a aussi réalisé des couvertures pour Télérama et le Nouvel Observateur. Les dessins, illustrations, sont accompagnés de textes, poésies, mots, écrits par Vincent Pachès, écrivain, journaliste et poète qui expérimente depuis de longues années un métissage des écritures et de Serge Vallon, docteur en psychologie, psychanalyste et rédacteur en chef de V.S.T. Un très bel ouvrage " Site Serpsy ***** "Dessinateur, affichiste, illustrateur, peintre et sculpteur, André François, athlète complet des arts plastiques, est mort lundi 11 avril à Grisy-les-Plâtres (Val-d'Oise). Il était âgé de 89 ans. La renommée de ce "grand imagier", franc-tireur obstiné, inclassable, avait depuis longtemps franchi les limites de l'Hexagone. Ses livres illustrés ont été publiés dans toutes les langues. Très tôt, il a donné des dessins à des magazines d'outre-Manche, dont Punch, le vénérable hebdomadaire satirique, et travaille pour Penguin, la collection de poche britannique. Sa collaboration avec l'hebdomadaire américain New Yorker a duré près de trente ans. En France, c'est l'affiche, la publicité et ses dessins publiés dans la presse (dont Le Monde) qui l'ont fait connaître du grand public. " Mais la partie la plus secrète de son oeuvre, celle à qui il attachait le plus d'importance en dépit de ses hésitations à la montrer, restait sa peinture. Ou plutôt ses compositions hétéroclites dans lesquelles entraient toutes sortes de matériaux, dont la peinture. Ces créations, souvent en relief, étaient stupéfiantes d'inventivité, de grâce, de poésie et toujours teintées d'un humour plus ou moins noir. Il faut, hélas, parler de cette face cachée du talent d'André François au passé, car l'oeuvre a brûlé, presque tout entière, dans la nuit du 7 au 8 décembre 2002 au cours de l'incendie qui a ravagé son atelier. "C'est une tragédie, constatait son vieux complice l'éditeur Robert Delpire. Les neuf dixièmes de la production plastique d'André François ont disparu. Pendant les deux mois qui ont suivi, il a été comme un zombie. Maintenant, avec beaucoup de courage, il a repris le travail. Mais la perte est irréparable. Nous n'avons plus que des fragments d'une oeuvre colossale aujourd'hui calcinée." Quelques mois avant le sinistre, la photographe Sarah Moon avait glissé sa caméra dans l'atelier. Le film, où l'on entrevoit quelques-unes des pièces disparues, a aujourd'hui les allures d'un requiem. André François, le corps épuisé, avait pourtant retrouvé le chemin de son établi, renouant avec une veine nourrie de merveilleux, bricolant avec ses doigts de fée tremblants, assemblant quelques brindilles, traçant un trait sur une planche enduite, éclaboussant de peinture un assemblage de bois, de ficelles et de papier. Des galets ramenés de sa maison de la Hague, dans la Manche, lui servaient à faire surgir une dame nue du néant. De vieux portemanteaux se transformaient en vol d'anges. Il jonglait même avec les témoins du drame : des coulures de plomb provenant du toit de son atelier détruit lui servaient, par exemple, à une évocation de La Ballade des pendus, de Villon. L'humour d'André François était toujours au rendez-vous. Un humour jamais mièvre, souvent grinçant, qui dérapait parfois dans une giclure sanglante. L'affichiste au nom si français était né hongrois, à Temesvar (maintenant Timisoara, en Roumanie) le 9 novembre 1915. La ville faisait partie de l'Empire austro-hongrois. Cinq ans plus tard, elle était rattachée à la Roumanie. Le jeune André Farkas, qui parle le hongrois et l'allemand à la maison (sa mère est viennoise), suit ses études secondaires en roumain, une des rares langues dont ce polyglotte a du mal à se souvenir. DE CASSANDRE À PRÉVERT Ses études supérieures le mènent à l'Ecole des beaux-arts de Budapest. "J'ai l'impression de n'avoir jamais rien décidé, nous disait-il il y a un peu plus d'un an, lors d'une longue rencontre (Le Monde du 24 novembre 2003). Dès Budapest, le graphisme m'intéressait, et toutes les productions de l'affichiste français Cassandre s'offraient à moi sur les murs de la ville." Aussi, quand il débarque à Paris, en 1934, l'étudiant rejoint dès son arrivée l'école ouverte, rue Férou, par Cassandre. "J'y ai surtout appris la rigueur", se souvenait-il. André François découvre Paris, admire de loin les oeuvres des Flamands Ensor ou Spilliaert, et va voir Guernica, de Picasso, à l'Exposition universelle de 1937, où il est brièvement salarié. 1939 marque un tournant dans sa vie. En cette année de guerre, il prend la nationalité française, troque son nom contre celui de François, découvre la mer et épouse une jeune Anglaise, Margaret Edmunds, avec qui il va traverser le siècle. André François, qui a commencé à collaborer à des journaux humoristiques L'Os à moelle ou Le Rire va passer la guerre à Marseille, puis en Savoie, pour échapper au STO. C'est là, vers 1942, qu'une fermière lui demande : "Que faites-vous, Monsieur François, quand c'est pas la guerre ? Eh bien, je suis dessinateur et peintre. Oh ! Si c'est pas dommage, çà ! Grand et fort comme vous êtes." Robert Delpire, qui l'a connu dès 1952, se souvient de "ce superbe athlète, qui avait beaucoup pratiqué le football et avait même songé à devenir professionnel". Après la Libération, il revient à Paris, où il signe sa première affiche pour le Gala des déportés et prisonniers de guerre. Le retour est difficile : il a deux enfants et ne trouve pas à se loger à Paris. Finalement, il s'installera dans un bourg rural au nord de Pontoise, à Grisy-les-Plâtres. André François reprend sa collaboration avec la presse. Il dessine pour des journaux de gauche : d'Action aux Lettres françaises. En 1952, Prévert lui confie les images de sa Lettre des îles Baladar (Gallimard). Il avouera plus tard que cette rencontre lui a fait accomplir un grand pas : "Ce livre m'a conforté dans mon anticonformisme et m'a aidé à me défaire d'un certain maniérisme." Il écrit et illustre des contes pour enfants. Les Larmes de crocodile, édité par Robert Delpire, est encensé par la critique américaine ; il sera traduit en quatorze langues. C'est l'époque où il exécute ses premières publicités pour des produits de beauté dans des revues de luxe. Le graphisme d'André François, très personnel, se démarque du goût français. Il répugne à représenter le sujet de la publicité au profit d'un second degré onirique, où le créateur donne libre cours à sa passion pour les jeux sur les mots et les associations d'images. Lorsqu'il travaille pour Citroën, un cheval à deux têtes symbolise la 2 CV, un poisson rouge ou un ballon l'eau et l'air suffisent à évoquer la suspension révolutionnaire de la DS. Dans cette nouvelle façon de concevoir la publicité, on retrouve quelques thèmes récurrents : le cirque ou le monde animal, qu'il décline inlassablement. C'est un rhinocéros qui porte les chaussettes Stemm. Une abeille butine, les yeux fermés, les fleurs du Printemps. La campagne pour Le Nouvel Observateur est à base de moutons, de chiens, de cerfs et d'escargots. Il offrira également, en 2000, un bestiaire aux lecteurs du Monde. Paradoxalement, ses succès de presse, bien payés, lui permettent de prendre ses distances avec les journaux. Et de se consacrer de plus en plus à la peinture et à la sculpture. Un travail incessant de collages, de juxtaposition, d'ajouts, sans cesse repris, transformé au hasard des trouvailles et de l'inspiration. "J'aime les mots et les objets qui se transforment, les calembours visuels", notait cet inlassable arpenteur du rêve. Le résultat de cette activité, occulté par son travail de graphiste, est exposé, de temps à autre, chez son ami Delpire, au Musée des arts décoratifs de Paris ou au Stedelijck Museum d'Amsterdam, mais les occasions sont rares. Alors que son oeuvre graphique avait fait l'objet, fin 2003, d'une grande rétrospective à la Bibliothèque Forney. Quelques mois plus tard, le Centre Pompidou rassemblait pourtant ses ultimes oeuvres, sous un titre parlant : "L'épreuve du feu". Emmanuel de Roux Le Monde - Article paru dans l'édition du 13.04.05 ****** A Lire : Lettre des îles Baladar, textes de Jacques Prévert, dessins d'André François, Gallimard, 1967. ***** Une exposition à l'Atelier André Girard à Paris Un article de Nathalie Dresse sur le site Natalecta (mai 2004)
"Très tôt, il s'affirme comme un des illustrateurs les plus prometteurs de sa génération. Son humour et son talent sont très appréciés Outre-Manche. André François
1999
Les Larmes de crocodile, textes et dessins d'André François, Robert Delpire éd. puis Gallimard-Jeunesse, 1980.
The Eggzercise Book, dessins d'André François, Le Daily-Bul, 1980.
Le Fils de l'ogre, textes de François David, dessins d'André François, Hoëbeke, 1993.
Je hais les pigeons, textes de Pierre Etaix, dessins d'André François, Le Seuil, 1996.
Les Sirénades, dessins d'André François, préface de Pierre Bazin, Le Seuil, 1998.
André François, Affiches et Graphismes, catalogue de l'exposition de la Bibliothèque Forney (2003).
André François, l'épreuve du feu, catalogue de l'exposition du Centre Pompidou (2004), avec le DVD du film de Sarah Moon, André François l'artiste.